Annoncer une décision difficile risque de déclencher de l’agressivité ou de la sidération. Vous souhaitez au contraire remobiliser et responsabiliser votre collaborateur au plus tôt.
Une décision difficile ?
Les décisions perçues difficiles concernent souvent les personnes, ou les valeurs.
Concernant les personnes, cela peut être :
- Annoncer qu’elle n’aura pas de prime ou un variable très réduit
- Pas de promotion
- Mutation
- Dégradation du niveau ou des responsabilités
- Un licenciement, économique ou autre
- Une décision stratégique de réorganisation impactant les postes et les effectifs
Également des changements d’habitudes ou de confort :
- Déménagement de bureau
- Modification du télé-travail
- Changement important des processus, périmètre, …
Concernant les valeurs :
- Décision hiérarchique à laquelle vous n’adhérez pas du fait de vos valeurs, mais que vous avez à transmettre à votre équipe ou à un collaborateur
- Décision stratégique de « licenciement boursier » qui vous choque dans la mesure où votre entité est parfaitement rentable.
- Vous entrez dans un secret d’Entreprise qui va impacter des collaborateurs
Annoncer une décision difficile à l’équipe ?
Les annonces collectives sont encadrées par la loi, Je laisse cet aspect aux juristes.
Concernant l’annonce que vous allez faire à votre équipe (donc dans le cadre de la loi), Vous allez prendre une grande respiration. Au préalable, vous allez peut-être prendre un temps pour vous recentrer en vous pour vous connecter à votre calme intérieur. Puis vous montez en scène, tout simplement, avec votre titre, et vos rôles et responsabilités.
Vous allez faire une annonce sans circonvolutions ! Un ou 2 faits concrets et concis, puis l’annonce explicite de votre décision. Ou de celle que vous relayez.
Puis, après un court silence, vous dites que vous donnez la parole pour les commentaires et les remarques. Puis, je vous renvoie directement dans le paragraphe « Écoute réceptive » ci-dessous. Etape critique !!
A la différence du processus en un-à -un décrit ci-dessous, où votre rôle va être plus actif, dans le cas d’une annonce collective, vous vous contentez de noter les questions qui vous sont posées, sans y répondre aucunement ! Vous restez dans l’écoute réceptive. Ce n’est pas l’endroit pour prendre des engagements autres ou différents ! Ni pour vous retrouver au milieu d’un jeu de quille, ou pour jouer au ping-pong.
Vous pouvez annoncer, le cas échéant, que vous allez rencontrer les personnes individuellement.
Vous finissez en remerciant votre équipe pour leur écoute / leur participation / leurs réactions…
Une vraie décision !
Une vraie décision signifie que vous avez décidé un changement, basé sur des faits précis. Et que vous ne vous n’allez pas revenir dessus. Sinon, ce n’est pas une décision, et vous êtes dans un autre type de situation (demande difficile, recadrage, concertation, … La plupart du temps, vous aurez adopté une étape préalable d’écoute, voire de concertation, ce qui peut éviter les décisions dures ou érronées.)
Dans une situation de décision difficile, vous êtes clairement en position haute ! Celle où vous prenez la place de votre rôle de décideur.
Une décision difficile en prise de poste ?
Cette situation peut arriver dès votre prise de poste ! De façon préméditée ou pas ! Parfois, vous serez recruté juste avant une décision qui vient du haut, ou bien vous être recruté pour une mission de réorganisation.
Vous allez être observé par votre environnement pour voir comment vous prenez votre place.
Je me souviens d’une ex-collègue recrutée comme responsable du développement des RH, ravie de passer du conseil RH à l’opérationnel. Juste après sa prise de poste, un plan de départ est déclenché. Elle a dû l’assumer pendant un certain temps, avant de pouvoir exercer le métier qu’elle visait.
En prise de fonction, vous pouvez prendre une décision stratégique de réorganisation un peu lourde qui impacte les effectifs, même si ce n’est pas plaisant.
J’ai entendu des DRH me confier qu’ils redoutaient les entretiens de licenciements économiques et que cela les épuisait moralement et émotionnellement. Bien sûr, ils entraient dans la carapace de leur rôle avec plus ou moins d’aisance. Certains devenant rigides, d’autres devenant rouges et tremblotant, parvenant difficilement à dominer leur stress. D’autres gardaient leur calme, et n’en étaient pas moins affectés. J’accompagne parfois des animaux à sang froids que j’aide à se reconnecter à leur chaleur humaine, indispensable pour embarquer les autres, même dans des situations de départ.
Voici donc de quoi progresser concrètement, tel qu’en traite ce livre « Hard heads, Soft hearts« , au titre imprononçable pour un débutant en anglais, que je traduirais par : mental ferme, cÅ“ur sensible.
Le processus qui suit comprend une trame précise dont chaque maillon est essentiel, mais pas tous aussi difficiles en fonction de notre culture. Concentration maximum !
Préférez, comme lieu de rencontre, une salle neutre plutôt que votre bureau. Votre bureau pourrait vous rassurer, faussement, et inhiber ou agacer votre collaborateur, ce qui n’est pas le but ! …
Les 7 étapes de l’Entretien pour annoncer une décision difficile tout en responsabilisant l’interlocuteur
Vous avez dû au préalable prendre rendez-vous avec votre collaborateur, soit à la suite d’une annonce d’équipe, et il est inquiet depuis. Soit, sans annonce préalable, et vous devez lui avoir annoncé au minimum « J’ai besoin de te voir pour un sujet important / te concernant ». N’en dites rien de plus avant la réunion, prenez rv avec détermination et aimablement. Prévoyez de pouvoir caler l’entretien au plus tôt, voire dans la foulée.
1- Accueil positif
Cet accueil positif consiste à accueillir votre collaborateur avec un court mot de bienvenue. Vous le modulez en fonction de la gravité de la décision, pas de grand écart entre l’accueil positif et l’importance de la décision. L’accueil positif ne doit pas être en rapport avec le rôle professionnel, mais simplement avec la personne en tant qu’humain. Cela peut être : « Bonjour, bienvenue, entre, assied-toi, mets-toi à l’aise / Détend-toi / j’espère que tu as passé un bon weekend / … »
Exprimez-vous sincèrement. Si vous n’êtes pas trop serein, tenez-vous en au minimum des suggestions de ce verbatim.
Ici, vous lui donnez de la reconnaissance inconditionnelle.
2- Des faits réels et concrets voire quantitatifs, et l’annonce difficile
A présent, après une phrase de méta-communication, « j’ai besoin de t’annoncer quelque chose d’important »,
Vous citez 2-3 faits précis, de façon concise et directe. (Pas de délayage, pas de circonvolutions.)
Vous continuez par énoncer la décision claire à votre collaborateur, sans autre contenu. De façon assertive, donc sans vous excuser, et bien sûr sans autoritarisme non plus. « J’ai décidé… » ou « nous avons décidé… » s’il s’agit d’une décision de Direction que vous assumez. (Mais pas de : il a été décidé / on a décidé)
Dans cette phase, vous prenez clairement votre place de Manager, c’est à vous-même que vous donnez de la reconnaissance inconditionnelle dans votre rôle professionnel. Vous vous entendez le dire, et c’est bon pour vous. En même temps, votre collaborateur vous l’entend le dire et cela lui rappelle que vous êtes son Manager, dans votre rôle.
3- Écoute réceptive, le cœur de l’entretien pour initier la responsabilisation après cette annonce difficile !
L’écoute réceptive est l’étape qui suit directement les faits et l’annonce. Pendant cette étape, vous allez écouter tout ce que votre collaborateur va « répliquer » ou « objecter », dans tout le spectre possible des réactions humaines. Vous pouvez vous attendre à des objections un peu molles, pour la forme, jusqu’à l’opposé, des objections virulentes voire exagérées : colère, menaces, déclarations inexactes, agressivité. Quoi que votre collaborateur dise, vous devez absolument l’entendre et l’écouter sans contre-objecter, sans escalader, en restant calme. Sinon, vous rateriez complètement cette étape et tout le processus tomberait à l’eau !
A chaque déclaration de sa part, vous allez dire « J’entends… J’entends… J’entends… / Tu dis que [verbatim] / Je t’écoute / Je comprends / Continue / Quoi d’autre ? / … As-tu quelque chose d’autre à dire ?
Vos courtes réponses ne signifient pas que vous êtes d’accord, mais que vous écoutez, nuance !
Pour être encore plus clair sur l’écoute réceptive
Plus le collaborateur a besoin de reconnaissance suite à cette annonce déstabilisante, et plus il va venir inconsciemment vous chercher avec des déclarations « tout autant déstabilisantes ». Le Collaborateur peut augmenter la virulence de ses propos pour tester (inconsciemment) si vous le reconnaissez inconditionnellement, alors que vous lui faites une annonce sans appel ! Si vous tenez cette posture d’écoute réceptive jusqu’au bout, sans aucune contre-objection ni escalade, votre collaborateur va vraiment s’entendre reconnu inconditionnellement ! Et cette étape aura duré maximum 5 minutes chrono.
Si vous ne tenez pas l’écoute réceptive et apportez des contre-objections même justifiées (c’est faux, c’est injurieux, ça je ne peux pas l’entendre, ou pire, vous entrez dans l’escalade (vous vous imposez en faisant le chef, etc…), vous réduisez à néant vos espoirs d’obtenir un début de ralliement de votre collaborateur à votre annonce difficile. Et cela va aussi prendre une heure de plus, jusqu’à ce qu’un des 2 égos lâche prise. Ou alors, non reconnu et vexé, il jouera au sous-marin et ruminera une revanche. Perdant-perdant ! Pas bon.
En bref, vous ne pouvez pas faire l’économie de reconnaître inconditionnellement une personne si vous voulez obtenir sa responsabilisation. Étape critique, donc !
4- Question responsabilisante
A la suite d’une conclusion sincère à l’étape précédente « Je n’ai rien à ajouter » (dixit le collaborateur), vous enchaînez par : « Que proposes-tu ? » Sans avoir à rappeler la décision de l’étape 2, puisqu’elle n’a pas changé. Et vous n’avez rien à ajouter non plus (si ce n’est un « Je t’ai entendu » préalable à cette question impliquante)
Puis, vous ne dites rien d’autre. Vous écoutez et vous prenez note en accusant réception de la responsabilisation que vous entendez par ses propositions d’action. Vous pouvez ajuster, avec des questions ouvertes.
Ici encore, vous reconnaissez implicitement et inconditionnellement chacun dans son rôle professionnel et personnel, n’est-ce pas ?
5- Confirmation
Vous allez confirmer ce que le collaborateur va proposer et vous calez une nouvelle date de réunion, le cas échéant. Super important bien sûr, pour cranter les résultats de la décision, les actions.
6- Marque de confiance
Vous terminez l’entretien en disant « Je te fais confiance ». Ces mots sont une autre marque de reconnaissance inconditionnelle, puisqu’elle n’est pas encore conditionnée à un résultat tangible.
7- Revue à date
Si vous avez un empêchement, anticipez et recalez un nouveau rendez-vous de réunion. Arrangez-vous plutôt pour avoir calé un créneau qui ne risque pas d’être décalé. Votre rigueur fait partie du processus d’implication.
Pour la nouvelle réunion, vous remerciez à nouveau votre collaborateur pour son engagement. Et s’il reste une partie de l’échange en suspens, vous mobilisez de la même façon que ci-dessus (… écoute réceptive…) Si la réunion aboutit à un échec d’une certaine façon, posez des questions pour comprendre. Et décidez en vous-même de la suite à donner. Contentez-vous d’écouter réceptivement.
Par expérience personnelle et par le biais de mes clients, ce processus aboutit à 99%, à condition que vous ayez mis 100% de votre responsabilité de votre côté ! Le 99% inclut même des cas apparemment impossibles, et le 1% est pour le cas atypique. Si vous êtes en dessous de 99%, c’est que vous n’auriez pas été dans votre 100%, ou que vous abusez de décisions difficiles. Êtes-vous trop exigeant ? Tirez-vous trop sur la corde ? Vous-même, faites-vous des demandes à votre hiérarchie, ou lui posez-vous des limites raisonnables ? Pour éviter que toute la pression se retrouve en dessous de vous.
Remember !
L’écoute réceptive est le point focal de l’entretien pour responsabiliser à la suite d’une demande difficile, car il vient toucher notre difficulté culturelle à donner de l’espace d’expression et de réflexion à notre interlocuteur, condition de son implication.
Donc, préparez-vous soigneusement pour cet exercice puissant et délicat, en considérant bien chaque étape comme un maillon essentiel. Vous serez positivement surpris. Dès votre prise de fonction, votre capacité à mener ce type d’entretien va vous aider à prendre votre place.
Cet article fait partie d’une série de 4, qui adopte une trame précise, et similaire. Elle est donc plus facile à mémoriser et adapter en fonction de la situation :
- Entretien de recadrage
- Impliquer malgré une demande difficile
- Entretien de décision
- Demande à votre hiérarchie