Quels sont les signaux faibles des changements de comportements lors d’un coaching ? Comment les déceler ? Dans quel but ?
Les changements de comportement à modifier : la fuite, la sidération ou l’agression
Il y a les critères classiques qui justifient un coaching :
- des difficultés liées à la personnalité du coaché, comme celle de ce Manager pourtant malin qui ne prenait pas la parole en codir, contrastant vraiment avec les prises de parole de ses collègues.
- Ou cette Manageuse qui ne savait pas comment gérer des « vieux barons » qui la méprisait.
- Ou les difficultés liées à un environnement tendu, comme pour ce Dirigeant qui prenait un poste avec des enjeux commerciaux initiaux en millions d’euro, de quoi un peu mal réagir, d’une des 3 façons, non ?!
- Ou encore, ce Manager qui explosait systématiquement et fréquemment, incapable de se retenir, et plus ou moins convaincu qu’il n’y avait pas d’autres façons de manager son équipe
Les ressentis profonds du coaché devant une situation nouvelle et inattendue vont souvent être de la peur. Cette peur va souvent transparaître soit en fuite, soit en sidération, soit en agression.
La sidération va se traduire par des comportements figés : pas de réponse à des questions orales, des emails qui tardent à recevoir une réponse, une absence de réaction physique comme un temps d’hésitation avant de serrer une main tendue, un regard figé avec les yeux un peu écarquillés, un temps de retard parfois long pour réagir, un visage apparemment sans expression aucune, etc…
La fuite va se traduire par des comportements d’évitement physique : des réponse en biais à des questions ou aux emails, des regards hésitants ou fuyants, des poignées de main peu assurées, une position en retrait, etc…
L’agression va se traduire par des réactions très vives en de multiples circonstances : des réparties brusques voire accusatrices, des écrits secs, sans nuance voire désagréables, une voix forte et des exclamations un ton au-dessus, des gestes agités voire menaçants, etc…
Les peurs, notre bon pain quotidien !
Dans ces trois cas, il y a de la peur derrière ces apparences, de la peur plus ou moins consciente, et des réactions également plus ou moins conscientes. Et plus ou moins assumées. D’ailleurs souvent caractéristiques et répétées. Pire, si elles semblent être assumées, c’est qu’il y a aussi des croyances inadéquates qui soutiennent ces comportements.
Bien sûr, le but du coaching est de viser une saine sérénité et une saine assertivité. Nous y travaillons précisément. C’est souvent au coeur du coaching.
Ecouter sincèrement en amont
Pour proposer un coaching, votre pré-supposé le plus utile est que le Manager se comporte du mieux qu’il peut. Sinon il se comporterait autrement. Quand vous vous contentez de lui décrire factuellement l’un de ces 3 comportements, sans les juger, avec délicatesse, avec une parfaite neutralité, et même avec compassion, le Manager va s’entendre reconnu dans ses difficultés relationnelles.
Il va pouvoir plus aisément reconnaître qu’il aurait intérêt à travailler sur ce qui se joue en lui. Ces observations vous permettent aussi d’éviter d’aborder précisément ce qui se joue au fond de lui. Vous restez ainsi au niveau de l’observation.
C’est ensuite au coach d’établir l’alliance qui va permettre d’aborder les sujets sous-jacents. Mon but est d’aider le Manager à reconnaître ses difficultés, dès notre premier huis clos, lors de notre rencontre de prise de contact, en amont du coaching. Souvent, il le fait spontanément. Parfois, c’est mon écoute inconditionnelle qui le dispose à s’ouvrir.
Des changements de comportement dès le début d’un coaching
Classiquement, dès le début d’un coaching, le coaché et moi reprenons la feuille de route établie dans la réunion tripartite initiale (avec son hiérarchique en général) : c’est une liste, courte ou longue, de ses objectifs de coaching. Je lui demande par quel sujet (le plus tendu) il aimerait démarrer nos séances. Cela a plusieurs avantages :
- Il va choisir ce qui lui tient le plus à coeur dans l’instant (tout en choisissant, le cas échéant, celui qu’il peut initialement aborder en coaching).
- Il ressent que je suis vraiment là à son service, et pour lui être utile.
- Travailler sur le sujet son plus aigu lui donne la perspective qu’il va rapidement se sentir plus serein, pour son plus grand plaisir.
- Les quick wins qui vont en résulter sont essentiels pour sa prise de poste comme pour son engagement dans le coaching.
- Les sujets les plus tendus sont souvent impactant sur d’autres sujets de la feuille de route.
La qualité de l’alliance sincère que je noue avec le coaché a un fort impact sur son engagement sincère dans le processus. Je lui rappelle ma déontologie (confidentialité notamment). Je l’écoute attentivement et sincèrement. Je l’accueille comme il est, et je cherche à comprendre ses valeurs et sa logique, pour avancer de concert sur sa feuille de route. Nous partageons et utilisons nos ressentis mutuels, de façon transparente. Je n’ai pas d’autre enjeu que les siens. Nous co-construisons nos échanges vers les objectifs de sa feuille de route.
Observations en séances de coaching
Vous RH, comme son hiérarchique, n’allez pas forcément observer facilement les changements de ces premières séances. Car le travail se joue d’abord dans la psyché et dans les ressentis du coaché. En revanche, dans chaque séance, j’observe et travaille avec les changements et les non-changements qui suivent, en permanence.
J’observe donc déjà comment il apparaît et parle de son sujet. Cela me donne des indicateurs d’inconfort. Puis, la séance avançant, je le vois se détendre peu à peu, prendre confiance. Il va ensuite avoir envie d’expérimenter du nouveau dans la vraie vie.
Je vais être attentif aux trois plans de la communication du coaché : au plan verbal, au plan para-verbal et au plan non-verbal. Cela me sert à mesurer à quel stade en est le coaché.
Au plan verbal
Par exemple, le coaché qui me dit « je ne sais pas » montre un faible niveau de confiance, peut-être une résistance forte inconsciente, probablement une peur à s’engager, à se remettre en question. Parfois, une peur obscure d’être « dépossédé ».
Une étape suivante peut être un coaché qui dit : « il faut que je… ». Cela montre un début d’envie et la prise de conscience de la nécessité de changer. En même temps, le coaché exprime clairement qu’il est encore dans le non-changement. Je vais donc continuer notre travail.
L’étape ultime est quand le coaché dit : « je vais… » A ce moment, il a surmonté ses résistances, et il a trouvé un moyen de passer à l’action. Là où avant, il y avait soit une résistance, soit une méconnaissance, soit les deux.
Il peut également apparaître souriant, ajouter de l’humour et des plaisanteries, remplaçant éventuellement de l’ironie initiale, ou un style sérieux un peu tendu.
Je peux lui demander de confirmer explicitement si le sujet lui semble résolu. Cela l’aide aussi à en prendre conscience et lui donne d’autant plus confiance. Parfois, un coaché a besoin de tester dans la vraie vie pour en être convaincu. D’autres coachés sont déjà convaincus et confiants dès qu’ils disent : « je vais », ou « j’ai hâte de tester ».
Le plan verbal est relativement plus conscient que les deux suivants, même si les mots nous échappent parfois. Les 2 autres plans sont plus difficiles à contrôler. Toutefois ils renseignent plus surement sur l’état mental interne du coaché.
Au plan para-verbal
J’écoute ici tout ce qui est dans la « musique » de la parole du coaché, les intonations, le rythme empressé ou pas, les hésitations et les silences.
Pendant une séance, je vais repérer les changements de vitesse dans l’élocution, la voix qui devient plus posée, et le débit qui se ralentit, ou un ton de voix qui devient plus tonique, à mesure que la confiance remplace l’appréhension de la situation évoquée.
Quand je perçois un ton plus enjoué et déjà plus souriant, je fais l’hypothèse que le sujet est en cours de résolution. Je peux faire remarquer au coaché ces changements, pour l’aider à ressentir le changement.
Au plan non-verbal
Là aussi, le corps parle mieux que la parole, même si c’est parfois plus subtil.
Les hochements de tête, le buste redressé ou un peu plus en avant ou un peu plus en arrière, le visage qui s’est détendu ou qui devient plus expressif, le sourire, les mains détendues. Il y a de multiples indicateurs. Par exemple, je voyais les muscles tendus de la mâchoire d’un coaché, et je lui en ai fait l’observation. Il n’en était pas conscient. Un peu plus tard durant la séance, je ne voyais plus du tout ces tensions sur ses joues. Un autre déclarait ne rien ressentir dans son corps, en cherchant mieux, il s’est rendu compte que c’était (lui aussi) sa mâchoire qui était crispée.
Je travaille beaucoup avec les ressentis corporels. Le corps ne ment jamais : soit on ressent des tensions, soit c’est neutre, soit on ressent de la légèreté. J’entraîne mon coaché à se connecter à son corps, en particulier quand il est beaucoup dans le mental. Cela peut prendre un peu de temps, mais vient toujours un moment où le coaché identifie la partie du corps sous tension. Nous l’utilisons pour mesurer le niveau de tension puis de confort qui émerge quand on travaille un sujet. quand, après un travail, je le réinterroge sur ses ressentis, il ressent des changements de sensations dans la zone de tension précédemment identifiée.
Il est fréquent qu’un coaché passe d’un niveau de confort en-dessous de 5 sur une échelle de 1 à 10, à un niveau de 7 à 9. Ceci, soit pour le sujet de travail de la séance, soit pour un ressenti plus global de (stress-)sérénité après quelques séances.
Observations des changements de comportement dans le contexte opérationnel
De la même façon, les personnes de l’environnement proche du coaché vont être sensible aux changements de comportements observables. Le plus souvent, nous percevons ces changements de façon assez intuitive, assez globale. Les 3 plans évoqués ci-dessus changent en même temps bien sûr, même si certains sont plus expressifs que d’autres. Ils vont donc peut-être exprimer un ressenti un peu global : « je le sens plus calme » plutôt que de dire de façon très explicite : « Sa voix est plus posée, il marque des silences, son visage est détendu »
Pour vous RH, les occasions de constater ces changements de comportements vont être plus rares que pour les opérationnels proches. Du coup, vous pouvez les questionner précisément sur leurs observations sur les 3 plans. Ou bien vous aurez repéré un comportement marquant en amont du coaching et vous serez attentif à en déceler une évolution.
Evidemment, tout n’est pas résolu d’un coup. La psyché humaine peut être complexe, et la durée du coaching est nécessaire pour revenir plusieurs fois, par exemple, sur la confiance en soi. Car elle se joue dans de multiples situations, de façon différentes. Pour un Manager, sa difficulté va être de prendre sa place par rapport à sa hiérarchie, en demandant des moyens ou en négociant des objectifs. Un autre Manager aura à confronter certains collaborateurs. Pour un autre, ce va être de prendre sa place parmi ses collègues dans un codir. Pour d’autres encore, plus rares, cela va être « all of the above ». Et pour le Manager qui monte facilement dans les tours, ça va être la baisse de fréquence et d’intensité de ses épisodes de colère. Chacun est unique !
Observer ces changements de comportement un peu ténus, quel intérêt ?
Il y en a plusieurs :
- Au premier plan, de repérer un Manager subtilement plus détendu, au plus vite, dans sa prise de poste. Son style de communication devient plus assertif, dans un style ni-ni-ni des trois travers évoqués ci-dessus.
- Cela va rapidement rejaillir sur son rayonnement et son leadership sur son équipe, qui a pu être malmenée un temps, ou insuffisamment mobilisée. Cela va rejaillir sur l’ambiance à la mobilisation de son équipe. L’absentéisme et le turn-over vont s’infléchir.
- Insensiblement, l’équipe va devenir plus pro-active, plus contributive, initiant des initiatives.
- En collectant les indices de changements, vous allez mesurer les bénéfices de l’investissement du coaching, et pouvoir le valoriser
- Vous allez aussi, par les signaux plus ténus, aider à laisser le coaching agir. Ici encore, je rencontre tout le spectre de vitesse de changement. Certains Managers sont très ouverts et « consciemment souffrant » pour ne nourrir rapidement des séances de coaching. D’autres sont sincères et pourtant inconsciemment résistants, me challengeant même par leurs résistances. Je vais diversifier mon questionnement et mes interventions pour les aider à contourner leurs blocages. Ces derniers ont tout mon respect et tout mon intérêt. Ils me me font grandir à l’occasion, par les subtilités de leurs résistances !
Les 3 types d’indicateurs de conduite du changement appliqués aux changements de comportement
- Il est important de considérer les 3 types d’indicateurs qui oeuvrent et démontrent le changement (c’est un peu technique, mais utile !) :
- Le 1ier type d’indicateur concerne le volume d’activité : ici les comportements. On passe de
- faire quelque chose ou pas, qui n’impactent pas les relations, sinon de façon négative, Ã
- faire quelque chose de nouveau qui impacte les relations et l’engagement.
- Par exemple :
- faire des points précis en 1 à 1, ou en réunions
- avec des plans d’actions précis et suivis
- confronter des comportements inappropriés
- créer du lien par des différents types d’interactions informelles sincères – sincère est un mot-clé !
- marquer un temps de pause, au lieu d’entrer brusquement dans la colère.
- Le 2e type d’indicateur concerne les KPI : ce sont des ratios. On va observer que
- la fréquence des interactions en 1 à 1 et en collectif augmente (ex. nombre par semaine).
- Le taux de qualité de ces interactions va aussi augmenter (ex. % d’interactions plus efficaces ou plus respectueuses).
- Les vitesses de mise en oeuvre des projets et les résolutions de problèmes augmentent aussi (ex. % des projets finis à temps).
- Ce 2e type d’indicateur augmente quand le premier a déjà bien décollé.
- Le 3e type d’indicateur est financier. Les changements de comportement vont se répercuter peu à peu sur les coûts et les revenus. Moins de loupés, plus de « bons du premier coup », tout cela se traduit peu à peu sur le compte d’exploitation. Ce 3e type d’indicateur commence à s’infléchir quand le 2e a déjà bien décollé.
- Le 1ier type d’indicateur concerne le volume d’activité : ici les comportements. On passe de
Capitaliser sur les progrès
- Vous allez pouvoir communiquer plus précisément à une hiérarchie parfois pressée. Car certains coachés n’avancent pas assez vite à son goût, malgré une réelle progression. Le temps long du coaching fait son oeuvre sur l’évolution compliquée de la psyché humaine.
- Les signaux forts devraient devenir mesurables après quelques mois : l’absentéisme, la fidélisation, et plusieurs indicateurs opérationnels du taux de service, de la qualité, des délais… Autant d’évolutions chiffrables au regard de l’investissement en coaching.
- L’esprit d’un leadership incarné par un nombre croissant de managers coachés va faciliter les changements de culture de l’Entreprise, et tout cela va peu à peu s’emballer vers le haut. Avec des effets positifs induits sur l’engagement des salariés, leur sentiment d’appartenance, etc…
- Pour certaines entreprises qui entrent en concurrence, c’est même leur survie à moyen terme qui est en jeu. Je pense à des entreprises autrefois nationalisées. Ou qui sont dans des secteurs historiquement protégés ou rentables. Et qui se trouvent challengées par de nouveaux entrants qui cassent les paradigmes et les prix. Avec la digitalisation et les réseaux sociaux, plus aucune n’est assurée d’être stable sur son marché historique.
Du coup, pour vous RH
- Qu’avez-vous identifié de nouveau pour vous, pour votre Entreprise, pour des Managers, qui va impacter une partie du processus de coaching ?
- Comment recueillir des feedbacks grâce à un questionnement plus précis ?
- Comment affiner la communication vers les hiérarchies, vers les coachés potentiels ?
Crédit illustrations : Valérie Buono