Mon expérience de 20 ans et 300 coachings est nourrie d’exemples de coachings préventifs et curatifs. Retour d’expériences avec une sélection de perles des 2 espèces.
Pour un Manager ou un Directeur, la prise de poste peut être pragmatique, un peu LastMinute.com, ou plus réfléchie. A l’extrême, est-ce que vous nommeriez un excellent commercial à un job de Direction Commercial avec des objectifs opérationnels espérant qu’il apprenne à manager tout seul son équipe de stars, ou bien allez-vous le nommer en adjoint d’un sénior pour apprendre le management et ses robustes ficelles ? Ça dépend du contexte.
Curatif ou Préventif – Késako
Coaching curatif
Bien souvent, l’Entreprise ne répond pas à la question plus haut. Elle compte sur le potentiel de l’excellent Cadre métier, alors qu’il a des appréhensions légitimes qu’il ne veut pas montrer … jusqu’au jour où il rencontre un vrai os !
Un coaching curatif, c’est typiquement quand un Manager se retrouve dans une situation assez périlleuse pour que l’Entreprise lui propose un accompagnement a posteriori pour qu’il reprenne la main. C’est souvent une décision tardive :
- Soit parce que l’Entreprise est focalisée sur les flux et les résultats, au détriment des personnes.
- Soit parce qu’elle pense que le champion désigné va réussir d’emblée puisqu’il a très bien réussi dans son job précédent. Alors qu’il s’agit bien souvent d’un niveau hiérarchique en-dessous, avec des R&R (Rôles et Responsabilités) tout à fait différents et plus complexes.
- Ce champion a aussi pu solliciter et obtenir une promotion, l’Entreprise considérant qu’il allait se débrouiller en transférant son savoir-faire déjà acquis, dans un nouveau rôle évidemment plus subtilement relationnel. La motivation ne suffit pas toujours. Et dans cette situation inédite, un Manager peut se retrouver sous stress, ce qui peut faire émerger des comportements fâcheux.
Exemple : Séverin est Directeur d'une usine de cartonnages publicitaires. Il avait un savoir-faire approfondi du métier, avec une grande séniorité dans l'Entreprise. Il a été nommé Directeur de ses précédents collègues, sans accompagnement. 2 ans après, de nombreuses situations relationnelles sont encore plus enkystées. Heureusement, l'activité va bien, mais à quel prix ! Le script de la DRH est de l'aider à mieux manager. Je reçois Séverin dans un état de stress impressionnant. Son discours est très rapide, décousu et part dans tous les sens. Il a les yeux écarquilles malgré un regard pétillant et une grande amabilité. Je le questionne : il exprime son stress et son désarroi sans hésiter.
La circularité de la relation
En fait, il applique toujours un relationnel très classique, « linéaire », avec la croyance qui va avec : Quand je décide de faire quelque chose, je le fais. Donc, si je demande quelque chose, ça va être fait. Sauf que les humains ne fonctionnent pas de façon linéaire, par cause-effet. Le relationnel humain est par essence circulaire. Si le Manager demande un travail, il va y avoir un retour, sur lequel il pourra (ou pas) infléchir quelque chose de différent. C’est l’interaction, le feedback, voire sa perception initiale qui lui donne une information sur comment manager la relation. Bien sûr, s’il donne une instruction sans la forme adéquate, ça peut faire flop. Car il ne peut pas s’appuyer sur son expérience technique et mécanistique du type cause-effet dans une situation relationnelle.
Mieux, il a intérêt à penser et agir comme s’il était la cause première de la relation, du fait de son statut, pour questionner et observer. Pour s’adapter afin que sa 1e intervention soit la plus ajustée possible. Le feedback qu’il reçoit va alors lui donner une nouvelle occasion de s’ajuster différemment. On est bien dans la circularité. Et c’est bien le rôle du Manager de donner un élan approprié à chaque nouvelle interaction, à chaque tour de manège.
De plus, quand les relationnels sont établis de longue date, la circularité d’une relation routinière est plus que rodée. Elle est parfois enlisée ! Il est d’autant plus compliqué de changer les habitudes relationnelles. C’est un vrai travail de détricotage !
Le coaching curatif aura aidé Séverin à revoir complètement sa façon d'interagir, et à appréhender la circularité des relations. A acquérir une nouvelle palette de comportements relationnels personnalisés, en fonction de ses interlocuteurs singuliers. Qui ont chacun leur style, leur personnalité, et leurs besoins propres pour se sentir exister et s'épanouir dans une nouvelle relation. Donc pour se mobiliser sous l’impulsion de son nouveau leadership.
Coaching préventif
D’autres Entreprises sont plus conscientes de l’importance du rôle des Managers dans la mobilisation des équipes pour atteindre des résultats. Elles vont être davantage à l’affut du besoin d’accompagner un Manager en prise de poste. En particulier quand quelques équipiers, peut-être plus séniors, ont des rôles critiques ou un pouvoir de nuisance potentiel, voire avéré.
Parfois, il y a un noeud hiérarchique de surcroit. Par exemple, une relation historique privilégiée entre son hiérarchique et un N-1 met le Manager en tenaille. Et il se retrouve d’ailleurs disqualifié dans cette situation.
Parfois, la hiérarchie ne soutient pas vraiment le Manager, tout simplement parce qu’elle ne sait pas ou n’est pas disponible pour l’aider relationnellement.
Un coaching préventif va aider le Manager à prendre sa place relationnelle de façon assertive, ou à remettre de l’ordre dans une situation dégradée depuis un moment. Y compris avec son hiérarchique, en y mettant la forme.
Un exemple : le DRH d'une agence para-publique me contacte pour accompagner un primo-Manager en prise de poste, "pour lui donner des clés". En questionnant un peu le futur coaché, il nomme son appréhension en fin d'entretien, ce qui va du coup être au centre du coaching. Des outils et des clés, bien sûr. Et puis surtout, un accompagnement précis sur sa posture : comment va-t-il prendre sa place avec son style propre, assumé, pour manager une équipe secouée, avec un héritage compliqué, mêlé d'humain et de relations ?
Le coaching préventif permet de traiter tous les sujets qui se présentent, pour que ce Manager fasse bon du premier coup. Qu’il évite de laisser perdurer des comportements inadaptés. La feuille de route, établie tripartitement (Manager, Entreprise et coach), permet de clarifier les sujets essentiels. Qui vont naturellement se présenter à nouveau au fil de l’eau.
Avantages du coaching curatif
Le coaching curatif a certes quelques avantages :
- L’entreprise reporte le coût du coaching, pendant un temps
- En prenant son poste sans filet, le nouveau Manager se surpasse dans ses ressources et son potentiel
- S’il surmonte les embuches sans burn-out, il aura des sujets de coachings pour nourrir les séances
- In fine, l’ordre revient, sauf exception.
… et inconvénients
Les principaux inconvénients d’un coaching curatifs sont toutefois majeurs :
- le Manager risque de s’épuiser inutilement dans les traquenards relationnels alors qu’il a déjà des objectifs tendus de production
- Il risque de répéter des erreurs de relationnel linéaire qui conduisent souvent à des impasses
- Les collaborateurs, et aussi des collègues, peuvent se désengager et insécuriser davantage la situation
- Au pire, le Manager entre en burn-out, ce qui n’est hélas pas rare, et provoque des effets à long terme, directs et collatéraux
- Au « mieux », certaines relations se sont ré-enkystées. Cela est toujours délicat à remédier. Même si les solutions de coaching existent !
- Les coûts d’une prise de poste qui patine sont difficiles à évaluer, surtout quand il y a d’autres problèmes de nature plus technique.
Une Manageuse avait une grosse équipe, de longue date, dans le secteur de l'assurance. Elle n'avait reçu aucune formation personnalisée à sa prise de poste. Elle faisait vraiment avec les moyens du bord. Je l'avais rencontrée désabusée et blasée de ce qu'elle devait compenser par manque de support hiérarchique, et par manque de savoir-être pour re-mobiliser son équipe. J'avais noté un contraste saisissant entre son peps, sa vivacité, et sa façon de raconter ses situations professionnelles avec lassitude et résignation.
Autres exemple, dans un gros Cabinet financier, j'ai coaché une Secrétaire Générale extrêmement investie et brillante. Et aussi fort malmenée par un codir qu'il fallait bien qualifier de machiste, elle y étant la seule femme. Sa fragilité initiale l'entrainait dans une spirale négative... Elle avait adopté un style costard féminin, pour tenter de gommer sa féminité. Elle a commencé par arrêter de faire la bise à ces Messieurs (c’était pré-covid bien sûr, mais bien révélateur d’une culture un peu bancale sur les rapports H-F). Le coaching a duré longtemps !
Dans ces deux cas, comme dans beaucoup d'autres, le niveau de fatigue des femmes est augmenté par leurs rôles de mère dans leur vie personnelle. Elle font preuve d’une grande ténacité sur tous les fronts.
Deux cas, parmi tant d’autres, où j’accompagne des femmes à prendre leur place, en décodant leur propre plafond de verre, souvent lié à la culture patriarcale et aux méfaits des organisations majoritairement managées pas des hommes. Je les aide aussi à trouver un style assertif propre, sans séduction, sans victimisation, sans renoncement, sans soumission, et sans mimétiser des comportements agressifs.
J'ai notamment accompagné une jeune femme brillante à garder le meilleur d'elle-même dans ce qu'elle qualifiait de "guerrière".
Le niveau de sur-investissement des hommes au travail n’est pas en reste. Du coup, dans la feuille de route des coachings, on retrouve fréquemment l’objectif de rééquilibrer les vies pro et perso.
Avantages du coaching préventif
Le coaching préventif vous semble encore être une « Rolls » ? Pourtant, c’est un investissement particulièrement productif !
- Le cadre du coaching démarre toujours avec une prise de connaissance « rassurante », entre coach et coaché. Le stress baisse déjà un peu, l’espoir aidant.
- Puis, dans la réunion tripartite initiale, le Hiérarchique exprime explicitement des propos personnels et soutenants inédits pour le Coaché. En étant externe et neutre, je suscite et favorise cette expression. Le Manager se sent ainsi mieux reconnu comme une personne avant d’être un rôle qui l’étiquette dans maintes situations.
- La réunion tripartite permet aussi de clarifier une situation relationnelle dégradée, les risques, les chausse-trappes, et d’anticiper les sorties de route à éviter dans les relations. A défaut, quelques sujets restent dans le non-dit, fâcheusement.
- L’entreprise engage sa bienveillance dès le début, ce qui est un facteur de confiance pour le Manager qui va sauter du grand plongeoir.
- Les sujets de travail peuvent facilement concerner des situations à venir (et non passées ) : comment prendre son poste, comment nouer des relations de qualité, comment anticiper des réunions délicates, comment reprendre la main sur un existant bancal…?
J'ai accompagné un récent embauché qui devenait le Manager de son équipe composée d'experts. Il se demandait quelle valeur ajoutée apporter. En fait, le sujet principal a été de sortir de son obligation de perfection qui l'épuisait complètement. Il a trouvé sa place et son style. Il a aussi trouvé comment lâcher son perfectionnisme. Il a également intégré comment se focaliser sur le bon horizon et le bon niveau d'intervention. Il a ainsi valorisé les experts tout en leur apportant un support hiérarchique à bon escient.
… et inconvénients
- L’Entreprise ne saura jamais si elle aurait pu économiser l’investissement d’un coaching, puisque tout s’est (plutôt) bien passé. (Mais elle aura pu constater que la montée en puissance est plutôt rapide et continue, ce qui est remarquable en soi !)
- Le Manager, prenant bien sa place, peut faire émerger des sujets anciens qui n’ont jamais été résolus par manque de courage managérial. Il opère comme un révélateur. Nous sommes bien sûr attentifs ensemble à résoudre ces sujets anciens, sans complaisance et avec une constante délicatesse. Finalement, est-ce un inconvénient ? Un coaching vise toujours l’intérêt de l’Entreprise idéalement efficiente et libérée. L’Entreprise, paradoxalement, souhaite du changement mais surtout pas de vagues ! Ben, faudrait savoir !
J'ai accompagné un Manager qui souhaitait évoluer dans sa structure. Il lui a été un peu "assigné" de remettre de l'ordre dans son équipe au préalable. Je l'ai donc outillé pour qu'il aborde l'exercice délicat de recadrer des comportements toxiques qui perduraient. Il est sorti du stress extrême et s'est senti conforté. Il a aussi réussi à évoluer avec succès. Et la personne toxique a d'elle-même pris le large, ayant vu le vent tourner, sans coût de sortie pour l’Entreprise.
Quels ROIs ?
Les retours sur investissement des coachings préventifs comme curatifs, sont toujours positifs, d’une façon ou d’une autre. Toutefois, les coachings préventifs permettent typiquement d’éviter le coût additionnel des ratés des prises de poste sans accompagnement.
Exemple, un Manager a dû quitter l'Entreprise pour burn-out. Les coûts court et long termes sont élevés pour lui avant tout. J'accompagne le Manager successeur en prise de poste. C'est crucial pour lui à cause d'une situation dégradée : équipe déstabilisée, sujets en retard, et poste par conséquent surchargé. Mais le coaching du précédent aurait évité cette casse d'abord sociale et ses répercussions sur l'activité ! De plus, la réunion tripartite a fait mention de ne pas tomber en burn-out et reproduire le schéma précédent. Nous connaissons tous le risque de tomber pile sur un objectif négatif (puisque le cerveau ne voit pas la négation). Là , le coaching préventif d’une situation curative peut faire coup double, au sens propre et figuré !
Dans un même temps, sur une période de 1 à 3 ans, un nouveau Manager bien coaché prend typiquement son poste en main en 6 mois, et sera in fine à un niveau de performance plus élevé. Comparativement, un nouveau Manager tardivement coaché aura perdu du temps, de l’énergie non productive, et le coût des loupés relationnels aura dégradé la bonne marche de son périmètre. Seuls les gros loupés seront bien visibles. Quant aux petits loupés, ils auront dégradé certainement la marge de façon discrète, et ils laissent souvent quelques traces dans le temps.
J'ai accompagné un primo-Directeur, qui a senti son stress initial baisser radicalement en 3 séances seulement, soit en 2 mois, malgré que son Service en cours de création était pourtant encore incomplet, et que les sujets pleuvaient ! Il est devenu un fervent promoteur du coaching, me déclarant : « on n’a aucune idée du bénéfice qu’on peut tirer d’un coaching! »
Responsable RH, Ã vous de jouer :
- Quelle est la valeur perçue du coaching dans votre entreprise ? Quelle image a ce type de prestation ?
- Comment défendez-vous votre budget développement RH à côté des budgets développements informatiques ?
- Quels sont les situations de coaching qui ont donné des résultats satisfaisants ? Comment les avez-vous valorisés à leur juste mesure ?
- Quelles sont les situations enkystées qu’il conviendrait d’aborder ? Comment pourriez-vous les évaluer ?
- Quelles sont les situations de prise de poste qui se présentent, avec des enjeux assez élevés qui justifieraient de ne pas jouer à la roulette russe en prise de poste ?
- Comment aidez-vous les hiérarchiques à percevoir la valeur du coaching préventif si eux-mêmes n’en ont jamais bénéficié ? Ou si vous sentez qu’ils pourraient se sentir un peu challengés par un subordonné bien accompagné ?
Crédit dessins : Valérie Buono